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tion de la vraie nature humaine. Pareille éventualité s’était vue déjà au xviiie siècle. Les revendications de la Révolution française avaient paru de même, aux philosophes allemands d’alors, n’être que des revendications générales de « la raison pratique ». Les actes par lesquels se manifestait la volonté de la bourgeoisie française révolutionnaire, à leurs yeux, exprimaient les lois de la volonté pure, de la volonté telle qu’elle doit être, de la vraie volonté humaine.

63. L’effort de ces littérateurs allemands se borna à mettre en accord les nouvelles idées françaises avec leur vieille conscience philosophique, à saisir les idées françaises du point de vue de leur philosophie ancienne. Ils s’assimilèrent ces idées comme on s’assimile une langue étrangère, en les traduisant.

On sait comment les moines eurent coutume de recouvrir des récits d’une hagiographie absurde les manuscrits des ouvrages classiques du paganisme antique. Les littérateurs allemands, à l’égard de la littérature française profane, procédèrent en sens inverse. Ils glissèrent leurs absurdités philosophiques sous l’original français. Leurs ouvrages furent des palimpsestes où, derrière la critique française du régime monétaire actuel, ils écrivirent « aliénation de la vraie nature humaine » ; derrière la critique française de l’État bourgeois, « abolition de la suprématie de l’universalité abstraite », etc.

La substitution de ce jargon philosophique à l’analyse discursive française fut baptisée par