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à la classe ouvrière de 1864 qui l’avait fondée. Le proudhonisme se mourait dans les pays latins ; le lassalléanisme étroit se mourait en Allemagne. Même les trades-unions anglaises, si opiniâtrement conservatrices, peu à peu en venaient à cet état d’esprit qui, à Swansea, en 1887, put faire dire au président de leur congrès : « Le socialisme continental a perdu pour nous son aspect terrifiant ». Mais dès 1887 le socialisme continental n’avait plus guère de doctrine que celle proclamée dans le Manifeste. Ainsi, on peut dire que l’histoire du Manifeste reflète en quelque façon l’histoire du mouvement ouvrier moderne depuis 1848. Nul doute qu’il ne soit présentement l’écrit le plus répandu, le plus international de toute la littérature socialiste ; qu’il ne soit le programme commun de plusieurs millions de travailleurs de tous les pays, depuis la Sibérie jusqu’à la Californie.

Pourtant, quand il parut, nous n’aurions pas osé l’appeler un manifeste socialiste. On appelait socialistes, en 1847, deux sortes de gens. D’abord les adhérents des différents systèmes utopiques, et notamment les owenites d’Angleterre, les fouriéristes de France. Ils ne formaient plus alors que des sectes atrophiées et condamnées à disparaître. Puis, les apothicaires sociaux de tout acabit, les marchands de panacées, les rebouteurs de toute sorte, qui prétendaient remédier au malaise social sans froisser le moins du monde le capital et le profil. C’étaient, dans les deux cas, des gens placés à l’écart du mouvement ouvrier et qui, au contraire, cherchaient, un appui dans les