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lement pour cela une organisation de la classe ouvrière ayant un certain degré de développement qui marche en tête et se forme et grandisse dans ses luttes économiques mêmes.

Mais d’autre part chaque mouvement dans lequel la classe ouvrière s’oppose en tant que classe aux classes dominantes et cherche à les faire plier par une pression de l’extérieur, est un mouvement politique. Par exemple, la tentative d’arracher dans une seule fabrique ou une seule branche d’industrie, par le moyen de grèves, etc., une réduction du temps de travail à certains capitalistes est un mouvement purement économique ; par Contre, le mouvement pour arracher la loi de 8 heures, etc., est un mouvement politique. Et c’est de cette façon que de tous les mouvements économiques isolés des ouvriers surgit partout un mouvement politique, c’est-à-dire un mouvement de la classe pour faire triompher ses intérêts sous une forme générale, sous une forme ayant la force sociale contraignante générale. Si ces mouvements supposent une certaine organisation qui marche en tête, ils sont de leur côté, au même titre, des moyens de développement de cette organisation.

Là où la classe ouvrière n’a pas encore atteint un degré suffisant d’organisation pour entreprendre contre la violence collective, c’est-à-dire la violence politique des classes dominantes, une campagne décisive, il faut, en tous cas, l’y entraîner par une agitation permanente contre l’attitude hostile à notre égard de la politique des classes dominantes. Dans le cas contraire, elle reste un jouet entre les mains de ces dernières.

(Voir Correspondance avec Sorge, page 42, édit. all.)


c) Extraits d’une lettre de Frédéric Engels à Sorge (en Amérique) du 8 février 1890.


Là aussi [il s’agit de l’Angleterre], le terrain a été à tel point préparé par les agitations de caractère varié de ces huit dernières années, que les gens [il s’agit des ouvriers syndiqués] sans être socialistes eux-mêmes ne voulaient comme chefs que des socialistes. Les voilà maintenant qui entrent, sans même y prendre garde, dans la voie théoriquement juste ; ils s’y pressent, et le mouvement est si fort qu’il surmontera, je crois, sans dommages sérieux, les bévues inévitables et leurs conséquences, les frictions des diverses trade-unions et des chefs. Je crois qu’il en va de même chez vous en Amérique…

Donc il faut commencer par des trade-unions, etc., si l’on veut un mouvement de masse et chaque pas nouveau doit nécessairement leur être imposé par une défaite. Mais une fois le premier pas fait par-dessus la façon de voir bourgeoise, cela ira vite.

(Voir Correspondance avec Sorge, page 329, édit. all.)