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rience, concevoir l’idée que des différends pussent surgir entre des classes naguère encore si cordialement unies pour renverser un gouvernement exécré de tous. Elle voyait le peuple d’accord avec elle sur tous les points sur une constitution, le jury, la liberté de la presse, etc. Aussi était-elle, du moins en mars 1848, corps et âme avec le mouvement ; et le mouvement, de l’autre côté, érigea immédiatement, en théorie tout au moins, la bourgeoisie en classe prépondérante de l’État.

Mais c’est le sort de toutes les révolutions, que cette union de différentes classes, qui jusqu’à un certain point est la condition nécessaire de toute révolution, ne peut être de longue durée. La victoire n’est pas plutôt remportée sur l’ennemi, que les vainqueurs se divisent en camps opposés et tournent leurs armes les uns contre les autres. C’est ce développement rapide et passionné de l’antagonisme des classes qui, dans les organismes vieux et compliqués, fait d’une révolution un si puissant agent de progrès social et politique ; c’est cet incessant et vif jaillissement de partis nouveaux, se relayant au pouvoir, qui, pendant ces commotions violentes, fait franchir à une nation plus d’étapes en cinq années qu’elle n’eût fait du chemin en cent ans dans des circonstances ordinaires.