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ont résolu de soutenir envers et contre tous. Qu’en dira la postérité ? » (T. Ier, page 68).

La postérité, si brusquement apostrophée, commencera par être brouillée sur la chronologie. Elle doit nécessairement se demander : Ricardo et son école ne sont-ils donc pas des économistes du dix-neuvième siècle ? Le système de Ricardo, qui pose en principe « que la valeur relative des marchandises tient exclusivement à la quantité de travail requise pour leur production », remonte à 1817. Ricardo est le chef de toute une école, qui règne en Angleterre depuis la Restauration. La doctrine ricardienne résume rigoureusement, impitoyablement toute la bourgeoisie anglaise, qui est elle-même le type de la bourgeoisie moderne. « Qu’en dira la postérité ? » Elle ne dira pas que M. Proudhon n’a point connu Ricardo, car il en parle, il en parle longuement, il y revient toujours et finit par dire que c’est du « fatras ». Si jamais la postérité s’en mêle, elle dira peut-être que M. Proudhon, craignant de choquer l’anglophobie de ses lecteurs, a mieux aimé se faire l’éditeur responsable des idées de Ricardo. Quoi qu’il en soit, elle trouvera fort naïf que M. Proudhon donne comme « théorie révolutionnaire de l’avenir », ce que Ricardo a scientifiquement exposé comme la théorie de la société actuelle, de la société bourgeoise, et qu’il prenne ainsi pour la solution de l’antinomie entre l’utilité et la valeur en échange