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pour mot. Mais il importe de ne pas oublier qu’au moment où je déclarai et prouvai théoriquement que le livre de Proudhon n’était que le code du socialisme petit bourgeois, ce même Proudhon fut anathématisé comme archi-révolutionnaire à la fois par les économistes et les socialistes d’alors. C’est pourquoi plus tard je n’ai jamais mêlé ma voix à ceux qui jetaient les hauts cris sur sa « trahison » de la révolution. Ce n’était pas sa faute si, mal compris tout d’abord par d’autres comme par lui-même, il n’a pas répondu à des espérances que rien ne justifiait.

La Philosophie de la Misère, mise en regard de Qu’est-ce que la Propriété ? fait ressortir très défavorablement tous les défauts de la manière d’exposer de Proudhon. Le style est souvent ce que les Français appellent ampoulé. Un galimatias prétentieux et « spéculatif », qui se donne pour de la philosophie allemande, se rencontre partout où la perspicacité gauloise fait défaut. Ce qu’il vous corne aux oreilles, sur un ton de saltimbanque et de fanfaron, ce sont ses propres louanges, un ennuyeux radotage et d’éternelles rodomontades sur sa prétendue science. À la place de la chaleur vraie et naturelle qui éclaire son premier livre, ici en maint endroit Proudhon déclame systématiquement, et s’échauffe à froid. Ajoutez à cela le gauche et désagréable pédantisme de l’autodidacte qui fait l’érudit, de l’ex-ouvrier qui a perdu sa fierté de se savoir penseur