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monopoles bourgeois sont naturels, c’est-à-dire rationnels.

Le monopole est une bonne chose, raisonne M. Proudhon, puisque c’est une catégorie économique, une émanation « de la raison impersonnelle de l’humanité ». La concurrence est encore une bonne chose, puisqu’elle est, elle aussi, une catégorie économique. Mais ce qui n’est pas bon, c’est la réalité du monopole et la réalité de la concurrence. Ce qui est pire encore, c’est que la concurrence et le monopole se dévorent mutuellement. Que faire ? Chercher la synthèse de ces deux pensées éternelles, l’arracher au sein de Dieu où elle est déposée de temps immémorial.

Dans la vie pratique, on trouve non seulement la concurrence, le monopole et leur antagonisme, mais aussi leur synthèse, qui n’est pas une formule, mais un mouvement. Le monopole produit la concurrence, la concurrence produit le monopole. Les monopoleurs se font de la concurrence, les concurrents deviennent monopoleurs. Si les monopoleurs restreignent la concurrence entre eux par des associations partielles, la concurrence s’accroît parmi les ouvriers ; et plus la masse des prolétaires s’accroît vis-à-vis des monopoleurs d’une nation, plus la concurrence devient effrénée entre les monopoleurs des différentes nations. La synthèse est telle, que le monopole ne peut se maintenir qu’en passant continuellement par la lutte de la concurrence.