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La division du travail est, d’après M. Proudhon, une loi éternelle, une catégorie simple et abstraite. Il faut donc aussi que l’abstraction, l’idée, le mot lui suffise pour expliquer la division du travail aux différentes époques de l’histoire. Les castes, les corporations, le régime manufacturier, la grande industrie doivent s’expliquer par le seul mot diviser. Étudiez d’abord bien le sens de diviser, et vous n’aurez pas besoin d’étudier les nombreuses influences qui donnent à la division du travail un caractère déterminé à chaque époque.

Certes, ce serait rendre les choses par trop simples, que de les réduire aux catégories de M. Proudhon. L’histoire ne procède pas aussi catégoriquement. Il a fallu trois siècles entiers, en Allemagne, pour établir la première division du travail en grand, qui est la séparation des villes d’avec les campagnes. À mesure que se modifiait ce seul rapport de la ville à la campagne, la société se modifiait tout entière. À n’envisager que cette seule face de la division du travail, vous avez les républiques anciennes ou la féodalité chrétienne ; l’ancienne Angleterre avec ses barons, ou l’Angleterre moderne avec ses seigneurs du coton (cotton-lords). Au xive et au XVe siècles, lorsqu’il n’y avait pas encore de colonies, que l’Amérique n’existait pas encore pour l’Europe, que l’Asie n’existait que par l’intermédiaire de Constantinople, que la Méditerranée était