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cience, à pallier tant soit peu les contrastes réels ; elle déplore sincèrement la détresse du prolétariat, la concurrence effrénée des bourgeois entre eux-mêmes ; elle conseille aux ouvriers d’être sobres, de bien travailler et de faire peu d’enfants ; elle recommande aux bourgeois de mettre dans la production une ardeur réfléchie. Toute la théorie de cette école repose sur des distinctions interminables entre la théorie et la pratique, entre les principes et les résultats, entre l’idée et l’application, entre le contenu et la forme, entre l’essence et la réalité, entre le droit et le fait, entre le bon et le mauvais côté.

L’école philanthrope est l’école humanitaire perfectionnée. Elle nie la nécessité de l’antagonisme ; elle veut faire de tous les hommes des bourgeois ; elle veut réaliser la théorie en tant qu’elle se distingue de la pratique et qu’elle ne renferme pas d’antagonisme. Il va sans dire que, dans la théorie, il est aisé de faire abstraction des contradictions qu’on rencontre à chaque instant dans la réalité. Cette théorie deviendrait alors la réalité idéalisée. Les philanthropes veulent donc conserver les catégories qui expriment les rapports bourgeois, sans avoir l’antagonisme qui les constitue et qui en est inséparable. Ils s’imaginent combattre sérieusement la pratique bourgeoise, et ils sont plus bourgeois que les autres.

De même que les économistes sont les représentants scientifiques de la classe bourgeoise, de