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« pureté d’âme » qui vous est si chère[1]. Quand, une bonne fois, votre dernière heure sonnera, pensez au professeur d’Oxford. Et maintenant, c’est dans un monde meilleur que je désire faire avec vous plus ample connaissance. Salut. » C’est en 1836 que Senior avait fait la découverte de sa « Dernière heure ». Huit ans plus tard, le 15 avril 1848, un des principaux mandarins de la science économique officielle, James Wilson, dans l’Économiste, de Londres, à propos de la loi des dix heures, entonna la même ritournelle sur le même air.

IV

Le produit net

Nous nommons produit net (surplus produce) la partie du produit qui représente la plus-value. De même que le taux de celle-ci se détermine par son rapport, non avec la somme totale, mais avec la partie variable du capital, de même le montant du produit net est déterminé par son rapport, non avec la somme restante, mais avec la partie du produit qui représente le travail nécessaire. De même que la production d’une plus-value est le but déterminant de la production capitaliste, de même le degré d’élévation de la richesse se mesure, non d’après la grandeur absolue du produit brut, mais d’après la grandeur relative du produit net[2].

La somme du travail nécessaire et du surtravail, des parties de temps dans lesquelles l’ouvrier produit l’équivalent de sa force de travail et la plus-value, cette somme forme la grandeur absolue de son temps de travail, c’est-à-dire la journée de travail (working day).

  1. M. le professeur a pourtant tiré quelque profit de sa brillante campagne à Manchester. Dans ses « Letters on the Factory Act » le bénéfice net tout entier « profit » et « intérêt » et même « quelque chose de plus » dépendent d’une heure de travail non payée de l’ouvrier. Une année auparavant, dans son livre intitulé : Outlines of Political Economy, composé pour la délectation des étudiants d’Oxford et des « classes éclairées », il avait « découvert », contrairement à la doctrine de Ricardo, suivant laquelle la valeur est déterminée par le temps de travail, que le profit provient du travail du capitaliste et l’intérêt de son abstinence. La bourde était vieille, mais le mot nouveau. Maître Roscher l’a assez bien traduit et germanisé par le mot Enthaltung qui a le même sens. Ses compatriotes moins frottés de latin, les Wirth, les Schulze et autres Michel, l’ont vainement encapuchonné. L’abstinence (Enthaltung) est devenue renoncement (Enisagung).
  2. « Pour un individu qui possède un capital de 20 000 l. st. et dont les profits se montent annuellement à 2000 l. st., ce serait chose absolument indifférente, si son capital occupait 200 ou 1000 ouvriers et si les marchandises produites se vendaient à 10 000 ou à 20 000 l. st., pourvu que dans tous les cas ses profits ne tombassent pas au-dessous de 2000 l. st.. Est ce qu’il n’en est pas de même de l’intérêt réel d’une nation ? En supposant que ses revenus nets, ses rentes et ses profits restent les mêmes, il n’y a pas la moindre importance à ce que la nation se compose de 10 ou 12 millions d’habitants. » (Ricardo, l. c., p. 416.) Longtemps avant Ricardo, un fanatique du produit net, Arthur Young, écrivain aussi prolixe et bavard que dépourvu de jugement, dont la renommée est en raison inverse de son mérite, disait entre autres : « De quelle utilité serait dans un pays moderne une province entière dont le sol serait cultivé, selon l’ancien mode romain, par de petites paysans indépendants, fût-il même le mieux cultivé possible ? À quoi cela aboutirait-il ? sinon uniquement à élever des hommes (the mere purpose of breeding men) ce qui en soi n’a pas le moindre but (is a useless purpose). » Arthur Young : Political arithmetic, etc., London, 1774, p.47.) Hopkins fait cette remarque fort juste : « Il est étrange que l’on soit si fortement enclin à représenter le produit net comme avantageux pour la classe ouvrière, parce qu’il permet de la faire travailler. Il est pourtant bien évident que s’il a ce pouvoir, ce n’est point parce qu’il est net. » (Thomas Hopkins : On Rent of Land, etc., London, 1828, p. 126.)