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années de la période 1853-1864, le degré d’augmentation des revenus s’accroît continuellement ; celui des revenus dérivés du profit, par exemple, est annuellement de 1,73% de 1853 à 1857, de 2,74% pour chaque année entre 1857 et 1861, et enfin de 9,30% entre 1861 et 1864. La somme totale des revenus imposés dans le Royaume-Uni s’élevait en 1856 à 307 068 898 l. st., un 1859 à 328 127 416 l. st., en 1862 à 351 745 241 l. st., en 1863 à 362 462 279 l. st., en 1864 à 362 462 279 l. st., en 1865 à 385 530 020 l. st[1].

La centralisation du capital marchait de pair avec son accumulation. Bien qu’il n’existât aucune statistique agricole officielle pour l’Angleterre (mais bien pour l’Irlande), dix comtés en fournirent une volontairement. Elle donna pour résultat que de 1851 à 1861 le chiffre des fermes au-dessous de cent acres était descendu de trente et un mille cinq cent quatre-vingt-trois à vingt-six mille cinq cent soixante-sept, et que, par conséquent, cinq mille seize d’entre elles avaient été réunies à des fermes plus considérables[2]. De 1815 à 1825, il n’y avait pas une seule fortune mobilière, assujettie à l’impôt sur les successions, qui dépassât un million de l. st. ; il y en eut huit de 1825 à 1855 et quatre de 1856 au mois de juin 1859, c’est-à-dire, en quatre ans et demi[3]. Mais c’est surtout par une rapide analyse de l’impôt sur le revenu pour la catégorie D (profits industriels et commerciaux, non compris les fermes, etc.), dans les années 1864 et 1865, que l’on peut le mieux juger le progrès de la centralisation. Je ferai remarquer auparavant que les revenus qui proviennent de cette source payent l’income tax à partir de 60 l. st. et non au-dessous. Ces revenus imposables se montaient, en 1864, pour l’Angleterre, la principauté de Galles et l’Écosse, à 95 844 222 l. st., et en 1865 à 105 435 579 l. st.[4]. Le nombre des imposés était, en 1864, de 308 416 individus, sur une population totale de 23 891 009, et en 1865 de 332 431 individus, sur une population totale de 24 127 003. Voici comment se distribuaient ces revenus dans les deux années :

Année finissant le 5 avril 1864 Année finissant le 5 avril 1865
Revenus Individus Revenus Individus
Total : l. st. 95 844 222 308 416 L. st. : 105 435 738 332 431
dont : l. st. 57 028 289 23 434 L. st. : 64 554 297 24 265
dont : l. st. 36 415 225 3 619 L. st. : 42 535 576 4 021
dont : l. st. 22 809 781 832 L. st. : 27 555 313 973
dont : l. st. 8 844 752 91 L. st. : 11 077 288 107

Il a été produit en 1855, dans le Royaume-Uni, 61 453 079 tonnes de charbon d’une valeur de 16 133 267 l. st., en 1864 : 92 787 873 tonnes d’une valeur de 23 197 968 l. st., en 1855 : 3 218 154 tonnes de fer brut d’une valeur de 8 045 385 l. st., en 1864 : 4 767 951 tonnes d’une valeur de 11 919 877 l. st. En 1854, l’étendue des voies ferrées ouvertes dans le Royaume-Uni atteignait 8 054 milles, avec un capital s’élevant à 286 068 794 l. st. ; en 1864, cette étendue était de 12 789, avec un capital versé de 425 719 613 l. st. L’ensemble de l’exportation et de l’importation du Royaume-Uni se monta, en 1854, à 268 210 145 l. st., et en 1865 à 489 923 285. Le mouvement de l’exportation est indiqué dans la table qui suit :

1846 58 842 377 l. st.
1849 63 596 052
1856 115 826 948
1860 135 842 817
1865 165 862 402
1866 188 917 563 [5]

On comprend, après ces quelques indications, le cri de triomphe du Registrar Général du peuple anglais : « Si rapide qu’ait été l’accroissement de la population, il n’a point marché du même pas que le progrès de l’industrie et de la richesse[6]. » Tournons-nous maintenant vers les agents immédiats de cette industrie, les producteurs de cette richesse, la classe ouvrière. « C’est un des traits caractéristiques les plus attristants de l’état social de ce pays, dit M. Gladstone, qu’en même temps que la puissance de consommation du peuple a diminué, et que la misère et les privations de la classe ouvrière ont augmenté, il y a eu une accumulation croissante de richesse chez les classes supérieures et un accroissement constant de capital[7]. » Ainsi parlait cet onctueux ministre à la Chambre des communes, le 14 février 1843. Vingt ans plus tard, le 16 avril 1863, exposant son budget, il s’exprime ainsi : « De 1842 à 1852, l’augmentation dans les revenus imposables de ce pays avait été de 6%… De 1853 à 1861, c’est-à-dire dans huit années, si l’on prend pour base le chiffre de 1853, elle a été de 20% ! Le fait est si étonnant qu’il en est presque incroyable… Cette augmentation étourdissante (intoxicating) de richesse et de puissance… est entièrement restreinte aux classes qui possèdent…, elle doit être d’un avantage indirect pour la population ouvrière, parce qu’elle fait baisser de prix les articles de consommation générale. En même temps que les riches sont devenus plus riches, les pauvres sont devenus moins pauvres. Que les extrêmes de la

  1. Ces chiffres sont suffisants pour permettre d’établir une comparaison, mais, pris d’une façon absolue, ils sont faux, car il y a annuellement peut-être plus de cent millions de livres sterling de revenus qui ne sont pas déclarés. Les commissaires de l’Ireland Revenue se plaignent constamment dans chacun de leurs rapports de fraudes systématiques, surtout de la part des commerçants et des industriels. On y lit, par exemple : « Une compagnie par actions estimait ses profits imposables à 6 000 l. st. ; le taxateur les évalua à 80 000 l. st., et ce fut, en définitive, cette somme qui servit de base à l’impôt. Une autre compagnie accusait 190 000 l. st. de profit ; elle fut contrainte d’avouer que le montant réel était de 250 000 l. st., etc. » (L. c., p. 42.)
  2. Census, etc., l. c., p. 29. L’assertion de John Bright que cent cinquante landlords possèdent la moitié du sol anglais et douze la moitié de celui de l’Écosse n’a pas été réfutée.
  3. Fourth Report, etc., of Ireland Revenue. Lond., 1860, p. 17.
  4. Ce sont là des revenus nets, dont on fait cependant certaines déductions que la loi autorise.
  5. En ce moment même (mars 1867), le marché de l’Inde et de la Chine est de nouveau encombré par les consignations des filateurs anglais. En 1866, le salaire de leurs ouvriers avait déjà baissé de 5%. En 1867, un mouvement semblable a causé une grève de vingt mille hommes à Preston.
  6. Census, etc., l. c., p. 11.
  7. « It is one of the most melancholy features in the social state of the country, that while there was a decrease in the consuming power of the people, and an increase in the privations and distress of the labouring class and operatives, there was at the same time a constant accumulation of wealth in the upper classes and a constant increase of capital. »