Page:Marx - Le Capital, Lachâtre, 1872.djvu/234

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE XX

LE SALAIRE DU TEMPS

Le salaire revêt à son tour des formes très variées sur lesquelles les auteurs de traités d’économie, que le fait brutal seul intéresse, ne fournissent aucun éclaircissement. Une exposition de toutes ces formes ne peut évidemment trouver place dans cet ouvrage, c’est l’affaire des traités spéciaux sur le travail salarié. Mais il convient de développer ici les deux formes fondamentales.

La vente de la force de travail a toujours lieu, comme on s’en souvient, pour une période de temps déterminée. La forme apparente sous laquelle se présente la valeur soit journalière, hebdomadaire ou annuelle, de la force de travail, est donc en premier lieu celle du salaire au temps, c’est‑à‑dire du salaire à la journée, à la semaine, etc.

La somme d’argent[1] que l’ouvrier reçoit pour son travail du jour, de la semaine, etc., forme le montant de son salaire nominal ou estimé en valeur. Mais il est clair que suivant la longueur sa journée ou suivant la quantité de travail livré par lui chaque jour, le même salaire quotidien, hebdomadaire, etc., peut représenter un prix du travail très différent, c’est‑à‑dire des sommes d’argent très différentes payées pour un même quantum de travail[2]. Quand il s’agit du salaire au temps, il faut donc distinguer de nouveau entre le montant total du salaire quotidien, hebdomadaire, etc., et le prix du travail. Comment trouver ce dernier ou la valeur monétaire d’un quantum de travail donné ? Le prix moyen du travail s’obtient en divisant la valeur journalière moyenne que possède la force de travail par le nombre d’heures que compte en moyenne la journée de travail.

La valeur journalière de la force de travail est‑elle par exemple de trois francs, valeur produite en six heures, et la journée de travail de douze heures, le prix d’une heure est alors égal à centimes. Le prix ainsi trouvé de l’heure de travail sert d’unité de mesure pour le prix du travail.

Il suit de là que le salaire journalier, le salaire hebdomadaire, etc., peuvent rester les mêmes, quoique le prix du travail tombe constamment. Si la journée de travail est de dix heures et la valeur journalière de la force de travail de trois francs, alors l’heure de travail est payée à 30 centimes. Ce prix tombe à 25 c. dès que la journée de travail s’élève à douze heures et à 20 c., dès qu’elle s’élève à quinze heures. Le salaire journalier ou hebdomadaire reste malgré cela invariable. Inversement ce salaire peut s’élever quoique le prix du travail reste constant ou même tombe.

Si la journée de travail est de dix heures et la valeur journalière de la force de travail de 3 francs, le prix d’une heure de travail sera de 30 centimes. L’ouvrier travaille‑t‑il douze heures par suite d’un

  1. La valeur de l’argent est ici toujours supposée constante.
  2. « Le prix du travail est la somme payée pour une quantité donnée de travail. » (Sir Edward West : Price of Corn and Wages of Labour. Lond., 1826, p. 67.) Ce West est l’auteur d’un écrit anonyme, qui a fait époque dans l’histoire l’économie politique : « Essay on the Application of Capital to Land. By a fellow of Univ. College of Oxford. Lond., 1815. »