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la lutte des classes en france

Blanqui, Barbès, Raspail, etc, avaient, le 15 mai, tenté de renverser la Constituante en envahissant la salle des séances à la tête du prolétariat parisien. Barrot ménageait à la même Assemblée un 15 mai moral. Il voulait lui dicter sa propre dissolution et fermer la salle des séances. Cette Assemblée avait chargé Barrot de l’enquête sur les événements de mai. Le premier ministre se posait en Blanqui royaliste. L’Assemblée rassemblait contre le ministre des alliés dans les clubs, chez les prolétaires révolutionnaires, dans le parti de Blanqui. À ce moment même, l’inflexible Barrot la tourmentait en lui proposant de soustraire au jury les accusés de mai et de les traduire devant un tribunal suprême, inventé par le parti du National, devant la « haute-cour ». Il est remarquable que la crainte anxieuse de perdre un portefeuille pût tirer de la tête d’un Barrot des pointes dignes d’un Beaumarchais ! L’Assemblée nationale, après une longue hésitation, accepta sa proposition. Vis-à-vis des révoltés de mai, elle retrouvait son caractère normal.

Si la constituante était contrainte de s’insurger contre le président et ses ministres, le ministère et le président étaient obligés au coup d’État : ils n’avaient, en effet, en leur pouvoir aucun moyen légal de dissoudre l’Assemblée ; mais la Constituante était la mère de la constitution, et la constitution, la mère du président. En faisant son coup d’État, le président déchirait la constitution.