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la lutte des classes en france

comme une ombre. Il ne restait plus qu’à mettre sa confiance dans l’intrigue des bourgeois royalistes et qu’à s’en remettre à un hasard qui pouvait être gros de conséquences. C’est à dessein que le ministère Barrot changea le premier acte gouvernemental du président en une désillusion grossière et brutale.

La Constituante, de son côté, saisit avec joie la double occasion qui lui était offerte de renverser le ministère et de représenter les intérêts des paysans contre leur élu. L’Assemblée repoussa le projet du ministre des Finances, réduisit l’impôt sur le sel au tiers de son montant antérieur, augmenta ainsi de 60 millions un déficit public de 560 millions et attendit tranquillement, après son vote de défiance, la retraite du ministère, tellement elle comprenait peu le nouveau monde qui l’entourait, le changement qu’avait subi sa propre position. Derrière le ministère il y avait le président, et derrière celui-ci six millions de citoyens qui avaient déposé dans l’urne un nombre égal de votes de défiance à l’égard de la Constituante. L’Assemblée rendait la pareille à la nation. Ridicule échange de procédés ! La Constituante oubliait que ses votes n’avaient plus cours forcé. Le rejet de l’impôt sur le sel précipita simplement la décision de Bonaparte et de son ministère d’en finir avec l’Assemblée. Alors commença ce long duel qui remplit la dernière moitié de l’existence de la Constituante. Le 29 janvier, le