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de février à juin 1848
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seurs de billets se précipitèrent à sa caisse pour se les faire rembourser en or et en argent.

Sans intervention violente, en usant de la voie légale, le gouvernement provisoire pouvait forcer la Banque à la banqueroute. Il lui suffisait d’adopter une attitude passive et d’abandonner la Banque à son sort. La banqueroute de la Banque, c’était le déluge capable de débarrasser en un clin d’œil le sol français de l’aristocratie financière, de délivrer la République de son ennemi le plus puissant et le plus dangereux, de renverser le piédestal d’or sur lequel s’était élevé la monarchie de Juillet. La Banque une fois en faillite, la création d’une banque nationale, la subordination du crédit national au contrôle de la nation, s’imposaient. La bourgeoisie elle-même aurait vu dans cette mesure un dernier moyen de salut, extrême, il est vrai, et désespéré.

Le gouvernement provisoire, au contraire, donna aux billets de la Banque le cours forcé. Il fit mieux. Il transforma toutes les banques provinciales en succursales de la « Banque de France » et permit à celle-ci de jeter son réseau sur tout le pays. Le gouvernement enfin engagea auprès d’elle les forêts domaniales, pour garantir un emprunt qu’il contracta envers elle. La révolution de Février affermit donc la bancocratie qu’elle aurait dû renverser.

Cependant le gouvernement provisoire se débattait contre le cauchemar d’un déficit croissant.