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le xviii brumaire de louis bonaparte
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et le beau temps ; il devient une insulte dès qu’on l’impose en compensation de la parcelle. Le prêtre n’apparaît plus que comme le limier béni de la police terrestre — une autre « idée napoléonienne ». — L’expédition contre Rome se reproduira la prochaine fois en France même, mais dans un tout autre sens que ne le voudrait M. de Montalembert.

Le comble des « idées napoléoniennes » est enfin la prépondérance de l’armée. L’armée était le point d’honneur du paysan parcellaire : elle faisait de lui un héros, défendait la nouvelle propriété contre l’étranger, glorifiait cette nationalité qu’on venait d’acquérir, pillait et révolutionnait le monde. L’uniforme était le costume de gala du campagnard, la guerre sa poésie ; la parcelle, fantastiquement allongée et arrondie devenait la patrie et le patriotisme, la forme idéale du sentiment de propriété. Mais les ennemis contre lesquels le paysan français doit maintenant défendre sa parcelle, ce ne sont plus les cosaques, ce sont les huissiers et les percepteurs. La parcelle ne se trouve plus dans la soi-disant patrie ; elle est couchée sur les rôles des hypothèques. L’armée elle-même n’est plus la fleur de la jeunesse paysanne, c’est la fleur de marais de la canaille[1] campagnarde. Elle consiste en grande partie, en remplaçants, de même que le second Bonaparte n’est que le remplaçant de Napoléon. Ses hauts faits se réduisent aux battues qu’elle

  1. Lumpenproletariat.