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à la main, contre son propre vote du 10 décembre 1848. L’école qu’ils avaient suivie depuis 1848, les avait rendus plus sages. Ils s’étaient vendus à l’enfer de l’histoire ; l’histoire les prit au mot, et cependant la majorité était encore si fascinée que c’est précisément dans les départements les plus rouges que la population campagnarde vota le plus ouvertement en faveur de Bonaparte. A son avis, l’Assemblée avait arrêté le président dans sa marche. Bonaparte avait brisé les liens dont les villes avaient entravé la volonté des campagnes. Elles nourrissaient même par endroits l’idée grotesque d’associer une convention à un Napoléon.

Après que la première révolution eut transformé les paysans de demi-serfs en propriétaires libres, Napoléon fixa et réglementa les conditions sous lesquelles ils pouvaient tranquillement exploiter le sol de la France qui venait de tomber entre leurs mains et satisfaire leurs juvéniles désirs de propriété. Mais ce qui ruine actuellement le paysan français, c’est sa parcelle même, la division du sol, la forme de propriété que Napoléon consolida en France. Les conditions matérielles sont les mêmes qui ont fait du paysan féodal un paysan parcellaire et de Napoléon un empereur. Deux générations ont suffi pour montrer le résultat inévitable auquel devait conduire cette situation ; détérioration progressive de l’agriculture, endettement progressif de l’agriculteur. La forme de propriété « napoléonienne » qui, au début du xixe siècle, était nécessaire à