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la lutte des classes en france

geois. La lutte contre le capital sous sa forme moderne et parfaite, à son degré éminent, la lutte du salarié industriel contre le bourgeois industriel est en France un phénomène partiel. Les journées de Février pouvaient d’autant moins donner à la révolution un caractère national, que la lutte contre les modes d’exploitation inférieurs du capital, la lutte du paysan contre l’usure et l’hypothèque, du petit bourgeois contre le grand commerçant, le banquier, le fabricant, bref la lutte contre la banqueroute, disparaissait dans le soulèvement contre l’aristocratie financière. On s’explique dès lors facilement que le prolétariat dût incliner le drapeau rouge devant le drapeau tricolore, quand il tenta de faire prévaloir son intérêt à côté de celui des bourgeois, au lieu de le présenter comme l’intérêt révolutionnaire de la société elle-même. Pour que les ouvriers français pussent faire un seul pas, pussent toucher à un cheveu de la bourgeoisie, il fallait d’abord que le cours de la révolution eût lancé la masse intermédiaire, placée entre le prolétariat et la bourgeoisie, contre cet ordre même, l’eût soulevée contre la domination du capital, forcée à se joindre à son avant-garde, aux prolétaires. L’épouvantable défaite de Juin devait être le prix de cette victoire ouvrière.

La commission du Luxembourg, cette création des ouvriers parisiens, a eu le mérite de trahir, du haut d’une tribune européenne, le secret de la