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la lutte des classes en france

faire allusion à cette question brûlante. Si les représentants ne parlaient pas, Bonaparte n’agirait pas. Ils auraient désiré un Parlement d’autruches qui se serait caché la tête pour ne pas être vu. Une autre partie de la bourgeoisie voulait qu’on laissât Bonaparte sur le fauteuil présidentiel parce qu’il l’occupait déjà : de cette façon tout continuerait à suivre l’ancienne ornière. Elle s’irritait parce que son Parlement ne violait pas ouvertement la constitution et n’abdiquait pas sans autre forme de procès.

Les Conseils généraux, ces représentations provinciales de la grande bourgeoisie, qui siégeaient pendant les vacances de l’Assemblée à partir du 25 août, se déclarèrent presque à l’unanimité favorables à la revision. Ils se prononçaient donc contre le Parlement et en faveur de Bonaparte.

La bourgeoisie manifesta sa fureur contre ses représentants littéraires, contre sa propre presse plus clairement encore que contre ses représentants parlementaires quand elle rompit avec eux. Les condamnations à des amendes écrasantes, à des peines d’emprisonnement cyniques prononcées par les jurys bourgeois pour punir toute attaque des journalistes bourgeois dirigée contre les velléités de restauration de Bonaparte, toute tentative faite par la presse pour défendre les droits politiques de la bourgeoisie contre le pouvoir exécutif, firent l’étonnement, non seulement de la France, mais même de toute l’Europe.