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le xviii brumaire de louis bonaparte
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prend la garde nationale. Le « boulevard de la société » est congédié. L’édifice n’en est pas ébranlé, mais les cours de la Bourse montent.

En repoussant ainsi l’armée qui se met à sa disposition dans la personne de Changarnier, en la livrant ainsi irrévocablement au président, le « parti de l’ordre » proclame qu’il a perdu toutes qualités pour régner désormais. Il n’y avait plus de ministère parlementaire. En perdant ainsi toute prise sur l’armée et sur la garde nationale, de quel moyen de résistance pouvait encore disposer ce parti, pour défendre à la fois le pouvoir usurpé par le parlement au détriment du peuple et son pouvoir constitutionnel en butte aux attaques du président ? D’aucun. Il ne lui restait plus qu’à faire appel à des principes impuissants. Il en avait fait de ces règles générales que l’on prescrit aux autres pour garder soi-même une plus grande liberté d’allure. La première partie de la période que nous considérons, celle de la lutte entre le « parti de l’ordre » et le pouvoir exécutif, se termine par la destitution de Changarnier et la prise de possession du pouvoir militaire par Bonaparte. La guerre entre les deux pouvoirs est déclarée ouvertement, est conduite ouvertement, maintenant que le « parti de l’ordre » a perdu les armes et les soldats. Sans ministère, sans l’armée, sans le peuple, sans l’opinion publique, n’étant plus depuis la loi électorale du 31 mai le représentant du peuple souverain, sans yeux, sans oreilles, sans dents, sans