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le xviii brumaire de louis bonaparte
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gourdins des décembristes. Il y avait mieux. Le commissaire de police Yon, attaché à l’Assemblée nationale et chargé de veiller sur sa sûreté, apprit à la commission permanente, sur la déposition d’un certain Alais, qu’une section de décembristes avait décidé le meurtre du général Changarnier et de Dupin, le président de l’Assemblée, et désigné les individus chargés de l’exécution. On comprend la terreur de M. Dupin. Une enquête parlementaire sur la société du 10 décembre — et c’était profaner le mystère du monde bonapartiste — paraissait inévitable. Immédiatement avant la réunion de l’Assemblée, Bonaparte fit prudemment dissoudre sa société. Uniquement sur le papier comme bien on pense, puisqu’à la fin de 1851, le préfet de police Carlier, dans un mémoire détaillé, cherchait à le déterminer à disperser réellement les décembristes.

La société du 10 décembre devait rester l’armée particulière de Bonaparte jusqu’à ce qu’il ait réussi à transformer l’armée nationale en une société du 10 décembre. Bonaparte tenta, pour la première fois, d’atteindre ce but peu après la prorogation de l’Assemblée et au moyen de l’argent qu’il lui avait arraché. En qualité de fataliste, il vivait dans la persuasion qu’il existe certaines puissances supérieures auxquelles l’homme et surtout le soldat ne peuvent résister. Parmi ces puissances, il rangeait en première ligne les cigares et le champagne, la volaille froide et le saucis-