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le xviii brumaire de louis bonaparte
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circonstance semblable, en allant jusqu’à oublier l’intérêt révolutionnaire de leur classe à la suite d’un bien-être momentané, les travailleurs déclinaient l’honneur d’être une classe conquérante, se soumettaient à leur sort, montraient que la défaite de juin 1848 les avait rendus pour les années suivantes impropres à la lutte et que le procès historique se poursuivrait encore sans leur participation. Pour ce qui est des petits bourgeois démocrates qui s’écriaient au 13 juin : « Mais si jamais l’on touche au suffrage universel, oh alors ! », ils se consolaient : la bataille contre-révolutionnaire qui les avait battus n’était pas une bataille ; la loi du 31 mai n’était pas une loi. Le 2 mai 1852 chaque Français ira aux urnes tenant d’une main le bulletin de vote et de l’autre le glaive. La démocratie se satisfaisait elle-même de cette prophétie. L’armée enfin fut châtiée par ses supérieurs pour les élections de mars et d’avril 1850 comme elle l’avait été pour celles du 20 mai 1849. Mais cette fois-ci elle se disait définitivement : « La révolution ne nous filoutera pas une troisième fois ».

La loi du 31 mars 1850 était le « coup d’État de la bourgeoisie ». Toutes les conquêtes antérieures qu’elle avait arrachées à la révolution n’avaient qu’un caractère provisoire. Le départ de l’Assemblée les remettait en question. Elles dépendaient du hasard d’une nouvelle élection générale, et depuis 1848 l’histoire des élections montrait indubitablement qu’à mesure que le pouvoir réel de la