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la lutte des classes en france

Nous en sommes arrivés au point critique, décisif de l’histoire de la garde nationale française. En 1830 elle avait décidé de la chute de la Restauration. Sous Louis-Philippe, chaque émeute où la garde nationale était du côté des troupes échoua. Quand, pendant les journées de février 1848, elle conserva une attitude passive à l’égard de l’insurrection et tint une conduite douteuse à l’égard de Louis-Philippe, ce dernier s’estima perdu. La conviction s’enracina que la révolution ne pourrait vaincre sans la garde nationale, que l’armée ne pouvait triompher contre elle. C’était une superstition de l’armée envers la toute-puissante bourgeoisie. Les journées de juin 1848, où toute la garde nationale avait abattu l’insurrection avec l’aide des troupes de ligne avaient consolidé cette superstition. Après l’avènement de Bonaparte, la situation de la garde nationale perdit un peu de son importance par la réunion inconstitutionnelle de son commandement avec celui de la première division militaire dans la personne de Changarnier.

Le commandement de la garde nationale parut être un attribut du commandant supérieur ; elle-même ne sembla plus être qu’une dépendance des troupes de ligne. Le 13 juin, elle fut enfin brisée : non seulement par voie de dissolution partielle, mesure qui périodiquement se répéta depuis cette époque sur tous les points de la France et n’en laissa subsister que des débris. La démonstration du 13 juin était avant tout une manifesta-