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abolition du suffrage universel
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ridicule, commune et haïe du pseudo-Bonaparte.

Cette sale figure se faisait de son côté illusion sur les causes qui de plus en plus faisaient de lui un homme nécessaire. Tandis que son parti avait assez d’esprit pour attribuer aux circonstances l’importance croissante de Bonaparte, ce dernier croyait pouvoir la rapporter au pouvoir magique de son nom et à sa perpétuelle caricature de Napoléon. Il devenait tous les jours plus entreprenant. Il opposait aux pèlerinages à Wiesbaden et à Saint-Léonard ses tournées en France. Les bonapartistes avaient si peu confiance dans le charme qui se dégageait de sa personne qu’ils le faisaient accompagner, pour lui servir de claqueurs, de gens de la société du 10 décembre, cette organisation de la canaille parisienne ; ils les envoyaient en masse par chemin de fer ou par chaise poste. Ils mettaient dans la, bouche de leur marionnette des discours qui, suivant l’accueil, proclamaient que la résignation républicaine ou la ténacité persévérante étaient la devise électorale de la politique présidentielle. Malgré toutes les manœuvres, ces voyages n’étaient rien moins que des tournées triomphales.

Quand Bonaparte crut avoir ainsi enthousiasmé le peuple, il se mit en devoir de se ménager l’armée. Il fait ordonner de grandes revues dans la plaine de Satory, près de Versailles. À cette occasion, il cherche à acheter les soldats en leurs donnant des saucissons, du champagne et des cigares. Si le vrai Napoléon, dans les fatigues de ses marches con-