Page:Marx - La Lutte des classes en France - Le 18 brumaire de Louis Bonaparte, 1900.djvu/123

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
de juin 1849 au 10 mars 1850
105

de la bourgeoisie sans déchaîner le prolétariat ou sans lui laisser entrevoir sa délivrance autrement qu’en perspective. On se servait du prolétariat sans qu’il devînt dangereux.

Après le vote de l’Assemblée nationale du 11 juin, quelques membres de la Montagne se rencontrèrent avec des délégués des sociétés secrètes ouvrières. Ces derniers insistaient pour livrer bataille le soir même. La Montagne rejeta décidément ce plan : elle ne voulait à aucun prix abandonner la direction du mouvement. Ses alliés lui étaient aussi suspects que ses adversaires et cela à juste titre. Le souvenir de Juin 1848 était plus vivant que jamais dans les rangs du prolétariat parisien. Il n’en était pas moins contraint de se lier à la Montagne par une alliance. La Montagne, en effet, représentait la plus grande partie des départements. Elle outrait son influence sur l’armée. Elle disposait de la fraction démocrate de la garde nationale. Elle avait derrière elle la puissance morale de la boutique. Commencer à ce moment l’insurrection contre son gré, c’était pour le prolétariat, décimé d’ailleurs par le choléra et chassé en grande partie de Paris par le chômage, renouveler inutilement les journées de Juin sans que la situation imposât ce combat incertain. Les délégués du prolétariat firent la seule chose qui fût rationnelle. Ils engagèrent la Montagne à se compromettre, à sortir des limites de la lutte parlementaire au cas où son acte d’ac-