Page:Marx - L’Allemagne en 1848.djvu/64

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les fonctionnaires civils et militaires au service de l’Autriche forment une race à part ; leurs pères ont servi le kaiser, et les fils feront de même ; ils n’appartiennent à aucune des diverses nationalités réunies sous l’aile de l’aigle à deux têtes ; on les déplace d’une extrémité de l’empire à l’autre, de Pologne en Italie, d’Allemagne en Transylvanie ; le Hongrois, le Polonais, l’Allemand, le Roumain, l’Italien, le Croate, tout individu qui ne porte pas le cachet de « l’autorité impériale et royale », etc., et qui revêt pourtant un caractère national distinct, est pour eux l’objet d’un égal mépris ; ils n’ont pas de nationalité, ou plutôt ils forment à eux seuls la véritable nation autrichienne. On voit facilement quel instrument souple et puissant en même temps doit constituer, entre les mains d’un chef d’État intelligent et énergique, une telle hiérarchie civile et militaire.

Quant aux autres classes de la population. Metternich, en véritable homme d’État de l’ancien régime, ne se préoccupait que peu d’avoir leur appui. Il n’avait à leur égard qu’une seule politique : en tirer le plus possible sous forme d’impôts et les obliger à se tenir tranquilles. La bourgeoisie commerciale et manufacturière ne se développait, en Autriche, que lentement. Le commerce du Danube est relativement peu important ; le pays ne possédait qu’un seul port, Trieste, et le commerce de ce port était très limité. Quant aux manufacturiers, ils jouissaient d’une très grande