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lui-même écarté de cette voie large. Les retards inaccoutumés du procès, les incursions directes du ministère dans l’instruction, les appels mystérieux à une terreur que l’on ne soupçonnait pas, les exagérations au sujet d’une conspiration enveloppant toute l’Europe, le traitement manifestement brutal envers les détenus, avaient enflé le procès en un « procès monstre » ; tout cela avait attiré l’attention de la presse européenne et excité au plus haut point la curiosité défiante du public. Le Gouvernement prussien s’était mis dans une position telle que l’accusation devait fournir des preuves décentes, et le jury devait, de son côté, réclamer des preuves décentes. Le jury paraissait lui-même devant un autre jury, devant le jury de l’opinion publique.

Pour réparer sa première bévue, le Gouvernement dut en risquer une seconde. La police qui, pendant la prévention, faisait fonction de juge d’instruction, dut, au cours de débats, remplir l’office de témoin. À côté des accusateurs normaux, le Gouvernement dut en placer un anormal, installer à côté du procureur la police, à côté d’un Saedt et d’un Seckendorf un Stieber avec son Wermuth, son Greif et son Goldheim. L’intervention d’un troisième pouvoir public était devenu inévitable pour permettre, grâce aux merveilles accomplies par la police, de fournir constamment l’accusation juridique de faits dont elle poursuivait en vain l’ombre. Le tribunal comprit si bien