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se dessiner sa tâche historique : marcher à la tête des ouvriers du nord et de l’est de l’Europe. On avait, en Weitling, un théoricien communiste que l’on pouvait hardiment placer à côté de ses concurrents français. Enfin l’expérience du 12 mai avait, appris qu’il n’y avait plus rien à attendre des tentatives d’insurrection. Si l’on continuait encore à voir dans tout événement un signe précurseur de la tempête sociale, si l’on maintenait en pleine vigueur les anciens statuts à demi conspirateurs, la faute en était à la vieille opiniâtreté révolutionnaire, qui commençait déjà à entrer en conflit avec les opinions plus justes qui se faisaient jour.

Par contre, la doctrine sociale de la Ligue, quelque précise qu’elle fût, n’en renfermait pas moins une grosse erreur provenant des circonstances mêmes. Ses membres, des travailleurs pour la plupart, étaient presque exclusivement des ouvriers proprement dits. L’homme qui les exploitait, même dans les grandes villes, c’était le petit patron. Dans la couture, même sur une grande échelle, dans ce que l’on appelle maintenant la confection ou le métier, l’exploitation a été transformée en une industrie domestique faite au compte d’un grand capitaliste ; elle n’existait encore qu’en germe, même à Londres. D’une part, l’exploiteur de ces ouvriers était un petit patron ; d’un autre côté, tous les ouvriers espéraient en fin de compte devenir de petits patrons. Aussi l’ouvrier allemand de cette époque ne pouvait-il se débarras-