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Quand, plus tard, l’Assemblée nationale voulut supprimer les droits féodaux pesant sur la classe paysanne, quand elle abolit la noblesse, les vains titres et les ordres, on cria au meurtre et à l’assassin, et l’on poussa la couronne à accomplir un coup d’État aussi rapidement que possible. On cria à l’atteinte portée à la propriété comme si l’on n’avait pas précisément projeté, en supprimant les privilèges féodaux, de fonder la propriété bourgeoise. Si l’on avait voulu réellement l’État moderne, constitutionnel et bourgeois, on aurait tout simplement supprimé les privilèges qui sont un obstacle à son développement ou le rendent impossible. On ne se serait pas accroché aux petits rubans qui, de notre temps, ne doivent pas avoir d’importance, qui sont des jouets inutiles et ne font que coûter à la nation déjà imposée un argent considérable.

Oui, Messieurs les jurés, je prétends encore une fois que l’on aurait dû, en septembre déjà, refuser les impôts ! Il y avait une nécessité absolue à le faire si l’on voulait sauver la société moderne, si l’on voulait, une fois pour toutes, en finir avec la société féodale.

Le ministère public prétend de plus que le refus des impôts conduit directement à la guerre civile, à l’anarchie.

L’anarchie, Messieurs, existait déjà avant que ne fut prise la décision de refuser les impôts. L’anarchie existe toujours quand, comme c’est le cas en Prusse, une minorité cherche à se placer à la tête de l’État en usant de violence brutale vis-à-vis de la majorité. Le refus des impôts était le seul moyen d’éviter une nouvelle révolution ; aussi l’Assemblée nationale y eut-elle recours. Ne donnez plus leur provende aux valets de la réaction, et leur résistance se dissipera bientôt. Devant la pénurie s’inclinent et deviennent impuissants même les canons et les baïonnettes. Le refus des impôts est l’ultima ratio populorum à l’ultima ratio regum. Si le pouvoir public ne veut pas reconnaître les volontés de la majorité, si le Gouvernement lui oppose ses canons et ses baïonnettes, la majorité n’a