Page:Marx - L’Allemagne en 1848.djvu/260

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Karl Schapper : Messieurs les jurés. Après la défense que vient de prononcer mon coaccusé, M. Marx, je n’ai plus que quelques mots à vous adresser. Le ministère public a tenté, dans l’accusation qu’il portait contre nous, de se placer sur le terrain constitutionnel ; mais la chose, et vous partagerez mon opinion, ne lui a point réussi. Il a cherché à prouver : 1o que le roi avait le droit de proroger et de dissoudre l’Assemblée nationale constituante de Prusse ; celle-ci, par suite, ne pouvait plus prendre de décisions après le 9 novembre, et ne pouvait donc ordonner le refus des impôts ; 2o que l’Assemblée n’avait d’ailleurs pas le droit de refuser les impôts ; 3o que même, eût-elle été investie du droit d’ordonner ce refus, elle n’aurait dû l’exercer qu’en cas de nécessité extrême, parce qu’une semblable mesure conduit à la guerre civile, — et cette nécessité extrême ne s’est pas encore produite ; et 4o qu’enfin, nous accusés, nous avons été beaucoup plus loin que messieurs les partisans de compromis, nous avons directement tenté de mettre à exécution la décision ordonnant le refus des impôts et nous tombons par suite sous le coup du Code pénal.

Permettez-moi, Messieurs les jurés, d’exprimer sur ce point mon opinion, qui est contraire à celle du ministère public. En mars, le peuple avait vaincu ; la monarchie absolue était abattue ; la nation était même en position de supprimer complètement la monarchie. La majorité de la nation cependant se prononça en faveur de la monarchie constitutionnelle et demanda que ses représentants fixassent les droits et les prérogatives du roi d’une part, du peuple de l’autre.

La souveraineté du peuple était solennellement reconnue ; on convoqua l’Assemblée nationale et cette dernière se trouvait placée, sinon au-dessus de la couronne, au moins au même rang qu’elle. Nous sommes ici en présence de deux personnes morales qui doivent conclure entre elles un contrat. Aucune d’elles n’a le droit de supprimer,