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tout, le Niemetz, l’Allemand, haï, mais indispensable ? C’est ainsi que naquit, dans les études de quelques dilettanti slaves de la science historique, ce mouvement ridicule et antihistorique, qui ne tendait à rien moins qu’à faire subjuguer l’Occident civilisé par le barbare Orient, la ville — par la campagne, le commerce, les manufactures, l’intelligence — par l’agriculture primitive des serfs slaves.

Mais, derrière la théorie ridicule se dressait la réalité terrible de l’Empire russe, cet empire dont chaque mouvement exprime la prétention de considérer toute l’Europe comme le domaine de la race slave, et, en particulier, de la partie énergique de cette race — les Russes ; empire qui, ayant deux capitales comme Saint-Pétersbourg et Moscou, ne trouve cependant pas son centre de gravité, tant que la « ville du tsar » (Constantinople, en russe — Tsarigrad, la ville du tsar), que tout paysan russe considère comme la véritable métropole de sa religion et de sa nation, ne sera pas devenue la résidence de l’empereur ; empire qui, pendant les derniers cent ou cinquante ans, n’a jamais perdu de territoire, mais en a, au contraire, gagné au cours de toutes les guerres qu’il a entreprises. Et dans l’Europe centrale, on connaît bien les intrigues par lesquelles la politique russe soutenait la théorie panslaviste nouvellement inventée, et qui servait si bien ses buts. C’est ainsi que les Panslavistes de Bohème et de Croatie travaillaient.