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radicale entre développement pratique et développement théorique qui marque le changement de problématique.

La chute de la métaphysique du XVIIe siècle ne peut… s’expliquer par la théorie matérialiste du XVIIIe siècle qu’autant qu’on explique ce mouvement théorique lui-même par la configuration pratique de la vie française en ce temps. Cette vie était tournée vers le présent immédiat, la jouissance temporelle et les intérêts temporels, en un mot vers le monde terrestre. À sa pratique antithéologique, antimétaphysique, matérialiste, devaient nécessairement correspondre des théories antithéologiques, antimétaphysiques, matérialistes. C’est pratiquement que la métaphysique avait perdu tout crédit. Notre tâche se borne ici à indiquer brièvement l’évolution de la théorie. (Op. cit., p. 153.)

Cette distinction scientifique s’exprime dans une philosophie qui se satisfait provisoirement du matérialisme de Feuerbach : cette philosophie prêche le retour au sensible et la « philosophie du bon sens ». Elle renverse le rapport idéaliste idéel / réel. Dans la pratique, le matérialisme est d’abord l’expression de la bourgeoisie qui met au premier plan la jouissance terrestre et la destruction de toutes les illusions qui condamnent la technique et la maîtrise de la terre. Le socialisme et le communisme s’édifient sur la base acquise par la bourgeoisie. On peut dire qu’ils en constituent le dépassement, puisqu’ils affirment l’humanisme, la nécessité pour l’homme d’universaliser la jouissance matérielle et de réaliser ainsi l’essence humaine. Démocrite et Épicure expriment théoriquement l’origine de ce développement pratique.


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On serait tenté de croire que le matérialisme constitue une vérité achevée, périodiquement refoulée par la métaphysique. L’histoire ne serait que celle de la lutte pour le dévoilement du matérialisme et non celle de l’élaboration