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versalité concrète. L’universel (les corps célestes) est la forme supprimée et dépassée de la conscience abstraite, « sa réfutation devenue matérielle ». Épicure reste donc fidèle à son principe ; il le développe jusqu’au moment de sa suppression, mais refuse cette suppression, arrête le mouvement dialectique pour rester sur le sol de l’opposition abstraite au monde. L’universel est en effet « la dissolution de la singularité abstraite[1] ». En face de cet universel, Épicure démasque le sens de sa philosophie, non pas un matérialisme naturaliste, mais l’affirmation de la conscience de soi dans son opposition au réel, représentant le moment de l’essence. La conscience de soi abstraite-singulière sort ici de son « déguisement matériel » et s’affirme comme le véritable Principe, achevant de creuser le fossé qui sépare son affirmation du matérialisme mécaniste de Démocrite. En fait, la conscience de soi ne se présente sous la forme de la nature qu’aussi longtemps que cette nature est à l’image de la conscience de soi singulière : contradictoire. Lorsque la nature devient au contraire autonome, la conscience se réfléchit en elle-même et s’oppose à la nature. La nature concrète et la conscience de soi ne peuvent coexister que si la conscience supprime dialectiquement son abstraction, mais « l’universel est seul à pouvoir connaître en même temps son affirmation ». La conscience abstraite ne tire son identité avec soi-même que de l’existence de ses représentations dans le sens commun. Cette identité, comme immédiate, est fausse et doit se dissoudre pour se médiatiser. L’universalité que la conscience doit atteindre apparaît donc d’abord dans la nature et s’oppose à la conscience, tandis que celle-ci ne se reconnaît pas dans cette universalité.

Chez Épicure, « la conscience de soi n’est conçue que dans la forme de la singularité ». Cette position de la conscience de soi abstraite marque cependant un progrès par rapport au matérialisme purement mécaniste de Démo-

  1. . Sur l’idée que se fait Marx de l’universel, cf. infra, la Dialectique répulsion-attraction et l’idée de déclinaison.