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preuve en est que la conscience voit toujours en face d’elle la divinité qui s’est seulement, pour un temps, faite bienveillante, et que sa joie a besoin, pour être éprouvée, du cérémonial morbide de la fête et du sacrifice. Le philosophe affirme au contraire immédiatement l’ataraxie de la conscience de soi comme étant l’affaire de l’homme et insiste sur son urgence face à la fausse affirmation de la religion. Feuerbach dira dans L’Essence du christianisme que c’est dans ce détour que fait l’homme par la divinité (qui n’est que l’incarnation du genre) qu’il perd toutes ses possibilités génériques.

La différence exacte de Plutarque et d’Épicure est logiquement donnée dans les Travaux préparatoires par cette distinction entre une affirmation immédiate, naïve et sans détour, axée sur le concret corporel, de la conscience de soi singulière et un fantôme d’affirmation défiguré, obtenu à grands coups de sacrifices morbides. On se trouve pourtant en présence d’un apparent paradoxe : d’une part, le principe d’Épicure est athée, prométhéen. Il détruit « tout ce qui transcende la conscience de soi abstraite et appartient donc à l’entendement imaginatif[1] ». D’autre part, il admet des dieux et recommande au sage de les adorer. Qu’est-ce à dire ?

En réalité, ces dieux d’Épicure sont très différents des dieux « religieux » tels qu’on vient de les décrire. Ils sont à la fois complètement séparés des hommes (habitant dans les « intermondes ») et tout à fait semblables à eux (ils ont un quasi corps, un quasi sang, etc.). Ces dieux sont l’image parfaite de l’homme, ou plutôt du sage, de la conscience de soi déjà parvenue à l’ataraxie. Ils ne sont pas du tout forgés à partir de la crainte morale, mais à partir de la sérénité théorique. « Ce sont les dieux plastiques de l’art grec. » (Dissertation. Chapitre : La déclinaison…). Épicure affirme l’identité de nature de ces dieux et des hommes : ils sont eux aussi faits d’atomes, mais plus fins. C’est l’élément

  1. . Dissertation, chapitre : les Météores.