Page:Marx - Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Épicure.djvu/33

Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’une participation active au combat politique des Jeunes hégéliens et à leur critique religieuse. Ce dernier aspect du texte explique la part importante qui y revient à la critique de la polémique de Plutarque contre Épicure. Dans cette critique se font déjà jour des thèmes feuerbachiens : l’homme aliène en Dieu son essence, sa nature éternelle. La vérité de la religion est la philosophie, mais non au sens hégélien. Entre religion et philosophie, il y a désormais un rapport critique. Le même texte est faussé par la religion et révélé dans sa vérité par la philosophie. L’origine de la religion comme de la philosophie, c’est l’homme (la conscience de soi), leur objet commun est cette même conscience de soi. Mais la religion n’est pas seulement une expression confuse du concept, elle est une perversion de la conscience de soi qui se nie en croyant s’affirmer. La religion, avant d’être comprise comme erreur, est vécue comme rapport pratique aliénant. C’est pour cela que la philosophie critique doit commencer par nier (détruire) la religion.

C’est pour accentuer l’identité d’origine entre religion et philosophie que Marx insiste sur l’idée que Plutarque, en critiquant Épicure, ne fait que se critiquer lui-même, car le philosophe Épicure révèle la conscience de soi qui est aussi ce qui apparaît inversé dans la religion. L’analyse de la joie religieuse, dans le fragment intitulé le Culte et l’individu, est ainsi suggestive : la religion commence par nier la conscience de soi en l’écartant dans la lointaine conscience divine. Dieu n’est de ce point de vue que l’innocence objectivée, l’Ataraxie (absence de trouble) tombée dans une existence autonome qui s’oppose à l’homme et lui interdit du même coup la béatitude. La négation religieuse fait ainsi de Dieu un Autre. Mais Dieu n’est pas le pur et simple détour de l’ataraxie. L’altérité qui le sépare de l’homme est un conflit et non une différence sereine. Dans un premier moment, Dieu est investi de la plus haute béatitude, par opposition à l’homme, car les actes ne s’accordent pas avec la béatitude, mais s’accomplissent selon la faiblesse, la crainte et le besoin, c’est-à-dire la partie la plus faible et la plus vulnérable de l’homme. L’homme est condamné