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(Ibidem.) Il ne s’agit donc pas, pour Hegel, d’une fin de l’histoire événementielle, d’une « fin des temps », mais, « de même qu’il n’y a plus rien d’essentiel à savoir… de même le devenir ne peut plus apporter de changements importants à la structure de l’Etat[1] ». L’histoire n’est pas terminée, mais le dernier mot sur l’histoire est dit.

Ce serait pourtant encore mal comprendre Hegel que de le rendre complètement indifférent au monde empirique. Plus que tout autre, il a condamné toute philosophie qui ferait de l’être quelque chose d’irrémédiablement séparé de l’empirique. Sa philosophie de l’histoire repose sur l’analyse d’événements qui révèlent à l’homme dans une expérience le développement rationnel. Il faut qu’il y ait de tels événements qui fassent coïncider l’empirique et le rationnel et rendent possible l’analyse philosophique. Il est de l’essence du rationnel de se manifester.

On se trouve donc devant cette situation : Hegel fige le développement rationnel au point qu’il a atteint. À ce stade du développement subsiste un décalage avec l’empirique. La seule possibilité de résoudre ce décalage — si tant est qu’il doive être résolu — tient donc à l’histoire empirique et non au développement rationnel. Hegel est donc conduit à transgresser son principe — qui interdisait au philosophe de rien savoir de l’avenir — et à sacrifier au prophétisme. Il est « raisonnable » de penser que les temps nouveaux qui ont engendré les formes modernes de l’Etat — données grâce auxquelles une détermination correcte de l’essence objective de l’Etat a été rendue possible — verront apparaître des formations historiques dont l’existence empirique se rapprochera de plus en plus de l’Etat réel, jusqu’à se confondre avec lui[2]. Ce prolongement de l’analyse hégélienne produit donc la possibilité d’un jugement de l’histoire, et traîne la philosophie au tribunal du fait. Le décalage entre l’empirique et le réel doit tendre vers son annulation :

  1. . Chatelet (F.), op cit., p. 90.
  2. . Chatelet (F.), op. cit., p. 91.