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LA LANGUE DE LA PLÉÏADE

leur orthographe, leur terminaison, ce qui donnait au discours un aspect barbare ;

2o Y substituer, comme l’a tenté Des Autels, des mots déjà français, auxquels on est porté à conserver la valeur, souvent toute différente, qui leur est habituelle ;

3o Enfin, ce qui est l’expédient le plus commode, et, après tout, le plus clair, modifier légèrement la terminaison des mots grecs ou latins, et c’est ce qu’après diverses tentatives avortées on s’est déterminé à faire.

L’instinct secret qui préside au développement des langues et met à profit les efforts des diverses écoles littéraires sans jamais consacrer leurs excès, sut discerner ce qu’il y avait de légitime dans ces innovations, et rejeta impitoyablement le reste. Les mots vraiment nécessaires s’incorporèrent si vite à notre idiome qu’ils semblèrent en avoir toujours fait partie ; les autres tombèrent lourdement. Tels sont ceux, si souvent cités, qui composent à eux tout seuls le troisième vers de ce passage tiré de l’Épitaphe de Marguerite de France (V, 248) :

Ah ! que ie suis marry que la Muse Françoise
Ne peut dire ces mots comme fait la Gregeoise,
Ocymore, dispotme, oligochronien :
Certes, ie le dirois du sang Valesien.

Dans son Hellénisme en France (I, 237), Egger se refuse à prendre cette tentative au sérieux : « Que prouve, dit-il, cette fameuse plainte, sinon que le poète désespérait de pouvoir parler grec en français, comme il l’aurait voulu, et qu’il n’essayait qu’en passant, par manière de tour de force, une imitation vraiment inconciliable avec le génie de notre langue ? »

La note si précise et si confiante dont Ronsard accompagne ces vers dans l’édition de 1575, ne permet pas d’admettre une pareille interprétation (V, 472) : « Ces mots grecs seront trouuez fort nouueaux ; mais