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LA LANGUE DE LA PLÉÏADE

senter le langage de la galanterie italienne confiné dans les abstractions philosophiques. Pétrarque et ses successeurs s’étaient répandus en violentes invectives contre leurs dames et les Poètes de la Pléïade les avaient suivis sur ce terrain. Ronsard appelle sa Cassandre fère c’est-à-dire bête féroce, et guerrière, au sens d’ennemie. Jodelle seul dans une assez agréable chanson, blâme ce procédé des poètes à l’égard de leurs belles (II, 53) :

Leurs bourrelles ils en font,
Basilics, tygresses,
Mots qui doux et facheux sont
Aux vrayes maistresses.
..........
Si i’amour simple estoit d’eux
Bien cogneu ces mots hideux
Ils fuiroyent, desquels l’horreur
Nuit beaucoup, et monstre
Que des plumes non du cœur
Le mal se rencontre.

Au lieu de franciser des termes grecs on a quelquefois essayé d’y substituer des mots français équivalents. C’est ce qu’avait tenté Guillaume des Autelz, qui s’exprime ainsi dans l’avis Au Lecteur de ses Façons lyriques (éd. 1553) : « Quant à Στροφὴ, que i’ay appelé tovr, Αντιστροφὴ retovr, et Επῳδός (non si heureusement) enchant, ce a esté pour faire entendre à noz purs françois la raison de telles appellations. »

Vauquelin de la Fresnaye s’est servi également en ce sens de tour et de retour, puis il a substitué repos à enchant (Art poétique, I, p. 24, éd. 1605).

… depuis que Ronsard eut amené les modes
Du Tour et du Retour et du Repos des Odes…

En somme, il y avait trois procédés pour rendre les idées exprimées par des termes grecs ou latins :

1o Laisser subsister ces mots avec leur forme propre,