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LA LANGUE DE LA PLÉÏADE

Cette antiperistase (il n’y a point danger
De naturaliser quelque mot estranger
Et mesme en ces discours, où la Gauloise phrase
N’en a point de son cru qui soit de telle emphase).

Ce n’est pas de nos jours, comme on pourrait le croire, qu’est née la psychologie amoureuse. Elle a fleuri de bonne heure en Italie. Nos voisins avaient fait à la langue de Platon de nombreux emprunts pour répondre aux exigences de ces analyses subtiles, mais ce curieux vocabulaire spécial n’avait pas encore pénétré chez nous.

En 1535 avait paru un volume, intitulé : Dialoghi di amore, composti per Leone medico Hebreo, souvent réimprimé.

Ronsard, qui offre pour étrennes à Charles IX un Leon Hebrieu (II, 412), est cependant fort irrité contre cet auteur (VI, 28) :

… qui donne aux Dames cognoissance
D’vn amour fabuleux, la mesme fiction.
Faux, trompeur, mensonger, plein de fraude et d’astuce.

Tyard, après de longues hésitations, se décide en 1551 à traduire ces dialogues, déclare (p. 225) que :

… cest œuure est tiré
Des poincts profonds de la Philosophie.

et ajoute dans la dédicace (250, note 8) : « S’est trouué le François (non encore orné de maints vocables de la Philosophie) en cest endroit si poure, que i’ay esté contraint, luy donnant du mien, emprunter de l’autruy. »

Denis Sauvage, traduisant aussi ce livre, dans le cours de la même année, sous le titre de Philosophie d’amour, s’excuse également « d’vser de mots nouueaux en matière nouuelle », et joint à l’ouvrage un petit Dictionnaire « pour l’exposition de tels mots ».

Rien ne serait plus faux néanmoins que de se repré-