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LA LANGUE DE LA PLÉÏADE

Ambroise Paré, embarrassé pour rendre l’idée d’épiderme, dont le nom n’existait pas encore dans notre langue, cite dans son texte le mot sous sa forme grecque : « Le (cuir) non vray est appelé des Grecs Epidermis, parce qu’il s’estend et couche sur le vray : nous l’appellons en nostre langage cuticule, ou petite peau. » (Œuvres, III, iii p. 73, C). C’est aussi d’epidermis que se sert Rabelais (liv. IV, c. xxxi) : « Quaresme prenant… auoit l’Epidermis comme vn beluteau. »

Du Bellay, dans son chapitre De ne traduyre les Poëtes (I, 15), n’osant user du mot Génie encore peu employé, se sert du terme latin : « ceste Energie, et ne sçay quel Esprit, qui est en leurs Ecriz, que les Latins appelleroient Genius. »

Ce procédé, tout exceptionnel, n’avait rien de pratique, et l’on se trouvait forcément entraîné à donner une forme française aux mots grecs et latins dont on avait besoin. Ce n’était pas une élégance, un caprice, une fantaisie littéraire, mais la nécessité absolue de se faire comprendre, qui introduisait dans la langue des termes indispensables auxquels on n’aurait pu suppléer que par de longues et obscures périphrases.

C’est ce que dit, avec beaucoup de bon sens, un médecin de ce temps, Ervé Fayard ; « Quant a plusieurs mots francisez… comme apoplexie, epilepsie, et semblables, suis esté contreinct lez êmployer pour euiter ên presqué infinis endroects prolixes oraysons[1]. »

Maurice Scève avait appelé sa maîtresse : « doulce antiperistase » (Délie, ccxciiii.) Du Bartas, qui l’ignorait, croit forger ce mot et s’en excuse, non dans une préface ou en note, mais en vers, au beau milieu de son poème qu’il interrompt par sa remarque (Le second iour de la Sepmaine, p. 142, éd. 1601) :

  1. (Galen. Sur la faculté dez simples medicamans auec l’aidiction de Fucse en son herbier, de Silvius,… Le tout mis en langage francoys par A… Ervé Fayard natif de Perigueux. — À Limoges…, 1548. In-8o.)