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LA LANGUE DE LA PLÉÏADE

mots tirés du grec et du latin ne résultait pas seulement d’un parti pris, mais d’une nécessité.

La théologie, les ans et les sciences, la poésie élevée, commençant tout d’un coup à parler en français, ne trouvaient point un vocabulaire propre à l’expression d’un grand nombre d’idées, ou entièrement nouvelles, ou subitement renouvelées de l’antiquité. Du Bellay dit fort justement (I, 44) : « Nul, s’il n’est vrayment du tout ignare, voire priué de Sens commun, ne doute point que les choses n’ayent premièrement été : puis après, les motz auoir été inuentez pour les signifier : et par conséquent aux nouvelles choses estre nécessaires imposer nouueaux motz, principalement és Ars, dont l’vsaige n’est point encores commun et vulgaire, ce qui peut arriuer souuent à notre Poëte, auquel sera nécessaire emprunter beaucoup de choses non encor’ traitées en nostre Langue. »

Ailleurs il engage les traducteurs à ne point se faire faute de transcrire en français les termes de sciences, d’arts et métiers, qui d’ailleurs ne sauraient être considérés comme faisant réellement partie de la langue (I, 22) : « Ne les doit retarder s’ilz rencontrent quelquefois des motz qui ne peuuent estre receuz en la famille Francoyse, veu que les Latins ne se sont point eforcez de traduyre tous les vocables Grecz, comme Rhetorique, Musique, Arithmetique, Gëometrie, Phylosophie, et quasi tous les noms des Sciences, les noms des Figures, des Herbes, des Maladies, la Sphere et ses parties, et generallement la plus grand’ part des termes vsitez aux sciences naturelles et Mathematiques. Ces motz la donques seront en nostre Langue comme etrangers en vne Cité : aux quelz toutesfois les Periphrizes seruiront de Truchementz. »

Quelques-uns paraissent d’abord sous une forme purement grecque ou latine, ce n’est que peu à peu qu’ils s’acclimatent et prennent une terminaison fran-