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LA LANGUE DE LA PLÉÏADE

Le seul tort de cette appréciation est d’être trop générale : l’étude des poètes du xvie siècle est très complexe ; elle demande une attention soutenue. Il faut s’attacher scrupuleusement à la chronologie de leurs œuvres, et distinguer entre leurs souhaits, leurs aspirations, et la mise en pratique de leurs doctrines.

Egger, qui a cherché à infirmer le jugement de Boileau, en a porté à son tour un autre non moins inexact, qui ne pourrait s’appliquer avec justesse qu’à la fin de la carrière du poète.

Il s’exprime ainsi en parlant de Ronsard dans son Hellénisme en France (I, 232) : « Une fois, il est vrai, dans son très médiocre opuscule sur l’Art poétique, il lui échappe de dire : « Tu composeras hardiment des mots à l’imitation des Grecs et des Latins, et tu n’auras souci de ce que le vulgaire dira de toi. » Mais c’est là une boutade orgueilleuse. » Puis, à cette déclaration qui, loin d’échapper à Ronsard, confirme au contraire les doctrines et la pratique littéraire de sa jeunesse, le critique oppose des procédés préconisés plus tard par le poète, et que nous aurons bientôt à examiner ici même ; après quoi il conclut en ces termes (I, 237) : « Ainsi le chef et le héros de notre école poétique au xvie siècle a combattu sur tous les tons pour l’originalité de sa langue maternelle. Il n’est point le pédant grécaniseur dont Boileau s’est moqué sans l’avoir lu. » L’autorité si grande et si légitime d’Egger a promptement répandu cette opinion, de sorte qu’aujourd’hui, dans l’enseignement officiel, on considère Ronsard, à son début, comme un défenseur fervent et acharné de la pure langue française, ce qu’il n’a été qu’à son déclin, et en haine de ses maladroits imitateurs.

Il faut remarquer du reste qu’à l’époque de la jeunesse de Ronsard, la création d’un grand nombre de