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LA LANGUE DE LA PLÉÏADE

exprimé ainsi (II, 475) : « Ie ne te dirai point à présent que signifie Strophe, Antistrophe, Épode… » le censeur s’écrie : « Ton Ronsard trop et très arrogamment se glorifie auoir amené la lyre grecque et latine en France, pour ce qu’il nous a fait bien ébahir de ces gros et estranges mots strophe et antisirophe, car iamais par auenture, nous n’en ouimes parler. » Et il ajoute avec un certain sentiment d’orgueil satisfait : « Iamais nous n’auons lu Pindare. »

Quelques années plus tard, en 1557, les Discours non plus mélancoliques que divers renchérissent encore sur ces invectives : « Non possum ferre, Quirites, vn tas de rimeurs de ce temps qui amenent en nostre tant chere France toutes les bougreries des anciens Gregeois et Latins, remplissant leurs liures d’Odes… de Strophe, Antistrophe, Épode et d’autres tels noms de diables, autant a propos en nostre François que Manificat a matines, mais pour dire qu’en auons ouy parler du Pindare. »

Ce furent probablement ces protestations répétées qui empêchèrent Léon Trippault et Nicot d’admettre le mot Ode dans leurs lexiques.

Les témoignages des amis et des ennemis du poète, et ses propres aveux, qui seront d’ailleurs confirmés plus loin par l’examen des mots dont il s’est servi, prouvent surabondamment que, dans ses premiers ouvrages, Ronsard faisait à l’imitation des termes grecs et latins une fort large part, qu’il n’a restreinte qu’à son corps défendant.

Le souvenir de ce travers si marqué, contre lequel il a fini par protester lui-même lorsqu’il en a vu l’abus chez ses successeurs, est demeuré longtemps comme attaché à son nom, et Boileau a fort bien caractérisé l’éclat audacieux de son début, lorsqu’il a raillé


… Sa Muse en François parlant Grec et Latin (Art poétique, I).