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LA LANGUE DE LA PLÉÏADE

Tyard, on me blasmoit à mon commencement,
Di-quoy i’estois obscur au simple populaire :
Mais on dit auiourd huy que ie suis au contraire,
Et que ie me demens parlant trop bassement.

Ronsard cherche, à la vérité, à colorer son changement de manière par des motifs purement littéraires (I, 130) :

Or, si quelqu’vn après me vient blasmer, dequoy
Ie ne suis plus si graue en mes vers que i’estoy
À mon commencement, quand l’humeur Pindarique
Enfloit empoulement ma bouche magnifique :
Dy luy que les amours ne se souspirent pas
D’vn vers hautement graue, ains d’vn beau stile bas,
Populaire et plaisant, ainsi qu’a fai Tibulle,
L’ingénieux Ouide, et le docte Catulle.

Il n’en reste pas moins acquis que, dans les Odes et dans le premier livre des Amours, il a employé un style pompeux, obscur, et fort surchargé de mots empruntés du grec et du latin.

Au moment où Ronsard avait ainsi à se défendre contre les plus vives critiques, une réfutation en règle était dirigée contre le manifeste de Du Bellay. Il avait eu l’imprudence de dire (I, 55) : « Ie voudroys bien que… tous Roys et Princes amateurs de leur Langue deffendissent, par edict expres, à leurs subiectz, de non mettre en lumière œuure aucun… si premierement il n’auoit enduré la Lyme de quelque scauant Homme, aussi peu adulateur qu’etoit ce Quintilie, dont parle Horace en son Art Poëtique : » et il avait vu surgir le Quintil Horatian, sur la Deffence et illustration de la langue françoise, publié à Lyon en 1551, et souvent réimprimé à la suite de l’Art poëtique de Thomas Sibilet.

Le critique dit à Du Bellay (sur le IVe chapitre) : « Tu ne faitz autre chose par tout l’œuure… que nous induire à Greciser et Latiniser, en Francoys. » Et répondant à un passage de la préface des Odes où Ronsard s’était