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LA LANGUE DE LA PLÉÏADE

ou à moy, ou à quelque autre familierement declarez… en ceux-là ie confesse auoir vsé de son aide. »

Le second livre des Amours, comme le remarque Remy Belleau, son commentateur (dédicace, éd. de 1584), est écrit « en style vulgaire, et du tout different de la maiesté, et docte industrie de ses premiers Sonnets. Ce qu’il n’a voulu faire en ceste seconde partie, propre et particuliere pour l’Amour, tant pour satis-faire à ceux qui se plaignoyent de la graue obscurité de son style premier, que pour monstrer la gentillesse de son esprit, la fertilité et diuersité de ses inuentions, et qu’il sçait bien escrimer à toutes mains des armes qu’il manie. »

Voici la preuve d’une certaine docilité de Ronsard à l’égard de la critique ; nous en trouvons une autre dans un passage où, à propos de termes créés par le poète (t. I, p. 418, note 321), Belleau dit que notre langue « ne manqueroit auiourd’huy d’une infinité de beaux mots bien inuentez et bien recherchez, si du commencement les enuieux de la vertu de l’Autheur ne l’eussent destourné d’vne si louable entreprise. »

Ce n’est pas tout, Ronsard lui-même convient qu’il a modifié ses projets d’innovation de la langue, à cause de l’accueil qu’ils ont reçu ; il écrit à Simon Nicolas, en lui donnant des conseils de style (VI, 233–234) :

Fay nouueaux mots, r’appelle les antiques…
I’ay fait ainsi, toutesfois ce vulgaire,
À qui iamais ie n’ay peu satisfaire,
Ny n’ay voulu, me fascha tellement
De son iapper en mon aduenement,
Quand ie hantay les eaux de Castalie,
Que nostre langue en est moins embellie,
Car elle est manque, et faut de l’action
Pour la conduire à sa perfection.

Ailleurs (I, 131), en remarquant qu’on lui reproche la trop grande simplicité du second livre des Amours, il avoue qu’on s’est plaint de l’obscurité de ses premiers vers :