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LA LANGUE DE LA PLÉÏADE

goust de nostre Langue, et ne seruent si non à porter témoignaige de notre ignorance. »

Dans son sixième chapitre, Sibilet avait qualifié du nom d’Odes diverses pièces de Saint-Gelais, entre autres celles qui commencent par :

Ô combien est heureuse…

Laissez la verde couleur…

Du Bellay, loin d’en tenir compte, nous signale ce genre de poème, comme n’ayant pas été essayé jusque-là (I, 39) :

« Chante moy ces Odes, incongnues encor’ de la Muse Francoyse… Sur toutes choses, prens garde que ce genre de Poëme soit éloingné du vulgaire… varié de toutes manières de couleurs, et ornementz Poëtiques : non comme vn. Laissez la verde couleur, Amour auecq’ Psyches, Ô combien est heureuse : et autres telz Ouuraiges, mieux dignes d’estre nommez chansons vulgaires, qu’Odes, ou vers Lyriques. »

La nouvelle école se réservait l’emploi exclusif de ces expressions. Ronsard, qui en 1550 se proclame le « premier auteur Lirique François » dans l’avis Au Lecteur des Odes (II, 474), a grand soin de revendiquer le nom même de ce nouveau genre de poésie. Il prend date avec l’âpreté d’un inventeur menacé dans son brevet : « l’allai uoir les étrangers, et me rendi familier d’Horace, contrefaisant sa naiue douceur, des le même tens que Clément Marot (seulle lumière en ses ans de la uulgaire poësie) se trauailloit à la poursuite de son Psautier, et osai le premier des nostres, enrichir ma langue de ce nom Ode, comme l’on peut ueoir par le titre d’une imprimée sous mon nom dedans le liure de Iaques Peletier du Mans, l’un des plus excelens Poëtes de nostre âge, affin que nul ne s’atribue ce que la uerité commande estre à moi. »