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DE L’ENSEIGNEMENT DE NOTRE LANGUE

notable différence. C’est ainsi que schola a fait eschole, école, dont l’adjectif correspondant est scolaire, formé plus tard dans les collèges et transcrit directement du primitif latin.

Cette double formation des mots, dont la constatation a passé d’abord pour une découverte toute moderne, était déjà connue au xviie siècle.

Un érudit protestant qui a eu quelque part à l’éducation du Dauphin, Jean Rou, parle, en passant, de ce fait curieux dans ses Mémoires[1], et Nicolas Catherinot, conseiller au présidial de Bourges, compose dès 1683 un petit traité spécial, longtemps oublié, sur ce qu’il appelle d’un nom bien français et fort digne d’être définitivement adopté : les doublets de la langue françoise[2].

Les mots à forme savante ont été d’abord regardés comme des créations de la Renaissance, et c’est en effet à cette époque qu’il s’en est le plus introduit : mais peu à peu une étude plus attentive a permis de préciser davantage les faits. Deux thèses intéressantes, l’une sur Nicole Oresme[3], l’autre sur Pierre Bersuire[4], nous ont indiqué la très large part que les traducteurs ont prise, au xive siècle, à la formation du langage oratoire et poétique ; il importe toutefois de remarquer que la plupart des mots qu’ils créaient, ou plutôt qu’ils

  1. Mémoires inédits et opuscules de Jean Rou, publiés par Francis Waddington. — Paris, 1857, tome II, page 209.
  2. Voyez Dictionnaire des doublets ou doubles formes de la langue française, par Auguste Brachet. — Paris, Franck, 1868, in-8o, pages 7 et 49.
  3. Essai sur la vie et les ouvrages de Nicole Oresme, par Francis Meunier. — Paris, Durand, 1857, 8o. — Thèse soutenue devant la Faculté des lettres de Paris.
  4. Pierre Bersuire et sa traduction de Tite-Live considérée comme monument de la formation savante de la langue française au XIVe siècle, par Léopold Pannier (dans les positions des thèses soutenues par les élèves de l’École des Chartes, de la promotion 1867–1868). — Paris, S. Raçon, 1868, in-8o.