notre langue dans la première période de son développement, et les dérivés du celtique n’y figuraient que pour à peu près un quatre-vingt-deuxième ; le reste était de provenance latine. Il est bien entendu que je ne donne ces calculs que sous toute réserve, et comme une simple approximation[1]. »
En tenant compte de quelques erreurs de détail qu’une critique plus rigoureuse a constatées dans ce travail, le résultat général ne se trouve pas sensiblement modifié, l’influence latine est seulement un peu accrue.
Lorsqu’on accorde au latin une part si étendue dans le développement de notre langue, il importe de bien caractériser cet élément. Au-dessous du latin classique, de celui qu’on nous a enseigné au collège et qu’on nous y a conseillé de reproduire et d’imiter, il y en avait un autre, qui se devine dans les plus anciens textes, se trahit plus fréquemment chez les auteurs comiques, et se montre à découvert dans la plupart des inscriptions : c’est le latin familier en usage parmi le peuple et dans les armées.
Ce parler courant des légions romaines est devenu la matière principale de notre vocabulaire.
Lorsque les Gaulois répétaient les mots latins, ils en altéraient profondément la prononciation, et créaient ainsi une langue nouvelle, en croyant adopter celle du vainqueur.
M. A. de Chevallet a fait à ce sujet une observation curieuse. Il a recueilli, dans ces listes toutes modernes de mauvais langage corrigé que des grammairiens pratiques destinent à rectifier les altérations populaires, l’indication des syllabes qui sont le plus souvent estropiées, et il a établi qu’en faisant subir à certains mots latins ces mêmes altérations on obtient nos mots français correspondants[2].