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DE L’ENSEIGNEMENT DE NOTRE LANGUE

des traces de déclinaison. Il importera d’insister dans la Grammaire historique sur toutes ces particularités et d’expliquer par là beaucoup de faits importants qu’on ne remarque pas, ou dont on ne peut se rendre compte.

Autre peut s’employer, soit comme sujet, soit comme complément ; mais autrui est toujours complément d’un verbe ou d’une préposition, et n’est jamais sujet d’une phrase. Cette forme indique un cas régime de notre ancienne langue ; et, malgré les révolutions que celle-ci a subies, la persistance de son génie est telle que l’emploi du mot n’a pas sensiblement varié, et que le plus ignorant n’oserait dire : « Autrui m’attaque, autrui me blâme. »

Le pronom indéfini on n’est point tiré d’un pronom appartenant à la langue latine. On dit y était exprimé, soit par la troisième personne du singulier de l’indicatif passif : dicitur (il est dit) ; soit par la troisième personne plurielle de l’indicatif actif, en sous-entendant homines : dicunt (ils disent ou les hommes disent).

L’allemand rend cette locution en plaçant avant le verbe le mot homme employé au singulier, mais d’une façon complètement indéterminée : man sagt, mot à mot homme dit ou on dit, ce qui est exactement la même chose, car on ou om est une des plus anciennes formes de notre mot homme.

Cette excellente étymologie a été fort judicieusement défendue par Vaugelas, qui combat ceux de ses contemporains qui tiraient on de omnis[1]. Elle explique très bien le l qui précède souvent le mot on ; les grammairiens se sont longtemps obstinés à considérer cette lettre comme purement euphonique : il est plus naturel d’y voir l’adjectif déterminatif ou article, qui précédait le mot on, lorsqu’il gardait encore quelque chose de sa nature de substantif.

  1. Édition de 1647, p. 12.