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DE L’ENSEIGNEMENT DE NOTRE LANGUE

féminins, chacun de ces deux mots n’est ni l’un ni l’autre, il est neutre (neuter) car tel est précisément le sens de cette expression en latin.

Parfois la forme neutre du pronom français se confond avec la forme masculine ; mais les sens particuliers aux deux genres n’en restent pas moins distincts. Ainsi, dans cette phrase : « Je le vois », si l’on vient de demander : « Voyez-vous Charles ? » le tient lieu du pronom masculin illum ; si au contraire « je le vois » répond à une question générale comme : « Voyez-vous ce qu’amènera cette démarche ? » le remplace toute une proposition et équivaut, par conséquent, au pronom neutre illud.

Cette remarque a déjà été faite par M. Philarète Chasles, qui a formellement proposé d’admettre le neutre dans les pronoms français[1].

C’est là une nouveauté légitime tirée de la constitution même de notre langue. Indiquée dans la grammaire élémentaire, et développée dans la grammaire historique, elle fera disparaître plusieurs singularités apparentes.

Avec un tel point de départ on résout sans peine la question si longtemps controversée : une femme, à qui l’on demande si elle est malade, doit-elle répondre : Je la suis, ou je le suis ?

Il est évident qu’il faut dire je le suis, mais ce pronom le, bien que sa forme se confonde avec celle du pronom masculin, est en réalité neutre et signifie cela, ce que vous ave dit, c’est-à-dire malade.

Si le chapitre du pronom se trouve un peu plus étendu dans notre Grammaire élémentaire que dans les autres ouvrages du même genre, d’autres chapitres sont par contre, assez notablement abrégés et, en particulier,

  1. De la grammaire en France, en tête de la Grammaire nationale, par MM. Bescherelle et Litais de Gaux, 4e édition. — Paris, Simon, 1847, gr. in-8o, p. 6.